Témoignage au coeur du confinement :

Mon passage dans un monde neutre « sans visage »  et pourtant…

…rempli d’humanité et de vie !

J’ai été appelée pendant le confinement, par le personnel de l’EHPAD où j’interviens comme bénévole d’accompagnement dans le cadre de JALMALV, pour accompagner une personne en fin d’existence.

 

 

Ce même jour,  lorsque je suis allée dans l’unité protégée, c’était comme si l’on entrait dans un monde complètement inconnu…un peu comme si l’on était sur la lune, ou  lorsqu’on voit les visages des Costumés du Carnaval de Venise, ou bien  des clowns dans le cirque, tous avec une expression figée. Du personnel  je ne reconnaissais personne : mes amies que je connais depuis 5 ans ! Chacun(e) occupé(e) par sa tâche de soins… tous fidèles au poste !

 

 

Les seuls visages qu’on voyait, étaient ceux des résidents … des personnes  atteintes de la maladie d’Alzheimer … dans l’anxiété, l’incertitude, l’insécurité,  déambulant partout et essayant d’entrer en contact avec ceux qui arrivaient dans le service, et qui évitaient bien sur le contact rapproché.

 

 

Plus de «  Ah !! C’est toi !! », mais un « Va t’en, je ne te connais pas ! » Car j’avais essayé de voir celles que je connais, dans les chambres (à distance, bien sûr !, car on ne pouvait pas aller d’une chambre à l’autre.)  Une dame, fille d’une résidente, qui venait voir sa mère, était, comme moi, totalement méconnaissable.  La personne qui nous accompagnait a été obligée, par gentillesse et nécessité, d’enlever le masque de la fille, pour que cette maman puisse simplement la reconnaître. Bien sûr que la dame a ensuite remis le masque, mais la maman a été rassurée.

 

 

Pas de visage, pas de toucher, tous habillés pareillement, les voix voilées par les masques, les yeux derrière des lunettes de protection, la tête bizarre,   «encharlottée »  … tout le monde pareil, mêmes couleurs, les mains couvertes de gants bleus, les pieds couverts de chaussons de protection. Sans identité, ni signes distinctifs… sauf par leurs diverses activités si nécessaires (infirmières, et aides-soignants pour les autres services et soins) et qui ne comptaient plus leurs heures.

 

 

Cela m’a rappelé que, lorsque je résidais à Paris  et prenais le Métro, aux heures de pointes, surtout après le travail où tout le monde était éreinté, j’avais ce même ressent : pas d’émotion, pas de « bonjour », chacun dans sa bulle, courant vers « son » but.   Je faisais exprès de dire à haute voix et avec entrain : « bonjour ! » … Qui réagissaient à ce salut en fait très dérangeant ? … Les personnes  venant d’Afrique et  d’Outre-mer : « Ah ! C’est comme si l’on était chez-nous ! »

 

 

J’ai eu l’impression de vivre la même chose dans ce service si sombre et pourtant, j’ai vu une aide-soignante qui, malgré les restrictions, prenant dans ses bras une personne dans la détresse, transmettait par cet acte et par ses paroles réconfortantes, et remplies d’amour, une chaleur humaine qui ne pouvait pas se mesurer, tant la valeur dépassait celle du plus grand trésor du monde.  Cette présence humaine, même pour un moment, un peu cachée par les apparences extérieures, était là, jour et nuit pour veiller, encourager, toucher malgré tout. Des lumières dans ce monde enfermé pour l’instant : car l’ouverture est peut-être proche : peut-être juste par-ci par-là une petite porte s‘ouvrira par laquelle nous pourrons apporter la lumière, la chaleur, une communication vraie, une écoute sincère.  Saisissons ce privilège que nous avons en prenant des précautions sanitaires, mais pas de restrictions en chaleur, ni en présence humaine !  Nos cœurs ne sont pas confinés !

 

 

Un chant : « Lorsque le monde s’est arrêté… » nous fait découvrir que des hommes et des femmes comme nous tous : personnel soignant, agriculteurs, commerçants, éboueurs, agents de nettoyage, postiers,  livreurs,  etc… sont devenus les nouveaux HEROS.

 

 

 

Marita

 

Albertville, le 16 Mai 2020

 

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